La planète
Uranus fut-elle découverte dès l'Antiquité ?
Par Sébastien Polet
Les
Anciens Mésopotamiens et Grecs connaissaient plusieurs des planètes du
système solaire : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Elles
sont visibles à l’œil nu. En les observant, les anciens avaient déjà
remarqués qu’elles avaient des courses différentes des étoiles. Elles
furent appelées « planète » car cela signifiait qu’elles
étaient errantes dans le ciel nocturne.
Afin de comprendre les mouvements différents de ces astres errants, les
anciens astronomes imaginèrent un système de sphères enchâssées. Sur la
plus éloignée, il y avait les étoiles. Les planètes étaient, quant à
elles liées aux mouvements de plusieurs sphères. Aristote, fit la
synthèse des connaissances astronomiques grecques dans son Traité du ciel : « En
effet, chaque planète prise à part, a un plus grand nombre de
mouvements ; et de cette manière, la nature égalise les choses et met
entre elles un certain ordre, soumettant une multitude de corps au
mouvement qui est unique, et donnant un grand nombre de mouvements au
corps qui est seul et unique en son espèce. En second lieu, si les
autres orbites n'agissent que sur un seul corps, c'est que les orbites
qui précèdent la dernière, et celle qui n'a plus qu'un seul astre,
donnent le mouvement à plusieurs corps. La dernière sphère, en effet,
se meut, retenue et enchaînée dans plusieurs autres sphères ; et chaque
sphère se trouve être un corps. Ainsi donc, l'office de la sphère la
plus éloignée est commun à toutes les autres ; car chacune des sphères
spéciales est précisément l'orbite propre qu'elle décrit naturellement.
Ce mouvement universel vient en quelque sorte s'y adjoindre ; et tout
corps fini n'a qu'une puissance finie comme lui-même. En résumé, nous
avons expliqué, pour les astres qui sont mus d'un mouvement circulaire,
ce qu'ils sont dans leur essence, dans leur forme, dans leur
translation et dans leur ordre respectif » (ARISTOTE, Traité du ciel, III, 12, 9-11).
Il est intéressant de souligner qu’Aristote croyait en la sphéricité des astres : « Les
astres sont de forme sphérique, ainsi que d'autres l'ont cru avant
nous, et ainsi que nous avons le droit de le répéter nous-mêmes,
puisque nous les faisons naître du corps du ciel, qui est sphérique
également ; or, tout sphéroïde peut en soi avoir deux mouvements
distincts, la rotation et la translation. Si donc les astres avaient un
mouvement propre, il faudrait nécessairement qu'ils eussent l'un ou
l'autre ; mais, on ne voit pas qu'ils aient aucun des deux. S'ils
avaient une rotation, ils demeureraient toujours à la même place, et
ils ne changeraient pas de lieu, ainsi qu'on peut l'observer et que
tout le monde en convient. De plus, la raison exige que tous les astres
aient le même mouvement. Or, le soleil est le seul parmi les astres qui
nous paraisse soumis à cette rotation, soit à son lever, soit à son
coucher ; mais ce n'est pas par lui-même que le soleil a ce mouvement
rotatoire ; c'est à cause de la distance d'où nous le voyons ; car
notre vue, en se portant au loin, vacille et tourbillonne à cause de sa
faiblesse. C'est là aussi peut-être ce qui fait que les étoiles fixes
paraissent scintiller, et qu'au contraire les planètes ne scintillent
pas ; car les planètes sont voisines de nous, et notre vue a dès lors
la force suffisante pour arriver jusqu'à elles et pour les bien voir.
Mais pour les astres qui sont fixes et qui restent en place, comme
notre vue s'étend trop loin, elle se trouble à cause de l'éloignement ;
son tremblement est cause que nous attribuons un mouvement à l'astre
lui-même ; car il n'y a pas de différence à supposer que ce soit, ou
l'objet, ou la vue, qui change et se meut » (ARISTOTE, Traité du ciel, I, 8, 6).
Uranus fut officiellement découverte par William Herschel le 13 mars
1781. La septième planète du système solaire est à la limite de la
visibilité à l’œil nu. Sa magnitude est légèrement plus forte lors de
son périhélie.
Au IIe siècle avant notre ère, Hipparque, astronome, mathématicien et
géographe grec, né à Nicée vers 190, entreprit de réaliser un catalogue
des étoiles du ciel. Il s’attela à cette œuvre à la fin de sa carrière,
vers 128. Il utilisa les travaux de Timocharis d'Alexandrie, qui avait
réalisé une première compilation d’étoiles. Le travail d’Hipparque fut
plus complet. Malheureusement cet ouvrage du savant grec ne nous est
pas parvenu. Toutefois, il fut repris par Claude Ptolémée au IIe siècle
de notre ère dans son Almageste.
Ce catalogue comptait 1022 étoiles. Cet ouvrage fut une référence en
astronomie pendant de nombreux siècles en Occident et dans le monde
arabe. En 128, Uranus était à son périhélie.
Dans la constellation de la Vierge, Ptolémée signale une étoile peu
brillante. En fonction des éditions, elle est nommée B513 ou Vierge 17.
La position de trois étoiles de la constellation à proximité de cet
astre est confirmée par les astronomes modernes. La magnitude de cette
étoile est faible. La position d’Uranus en 127-128 n’est cependant pas
à l’exacte place de B513 mais en est assez proche. Au XIIe siècle,
l’astronome arabe Ibn al-Ṣalāh ne repère plus B513. B513 serait Uranus.
Cela semble logique, puisque sa position dans le ciel a changé par
rapport à l’époque d’Hipparque. Les chiffres de l’astronome de Nicée
ont pu être altérés lors de copies ce qui pourrait expliquer l’erreur
de position.
Pistes bibliographiques
ARISTOTE, Traité du ciel, trad. DALIMIER C., PELLEGRIN P., Paris, 2004 (GF).
BRUNIER S., Voyage dans le Système solaire, Paris, Milan, 1993.
HERTZOG K.P., "Ancient Uranus ?", dans Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, v. 29, 1988, p. 277-279.
VERDET J.-P., Le ciel. Ordre et désordre, Paris, 2001 (Découvertes Gallimard – Traditions, n°26).
VERDET J.-P., Histoire de l'astronomie ancienne et classique, Paris, 1998 (Que sais-je ?).