Athénodore
de Tarse vécut au Ier siècle avant notre ère. Il fut l’un des grands
érudits de
son temps. Elève de Posidonios de Rhodes, il se consacra notamment à
l’étude de
la philosophie. Il fréquenta les bibliothèques et les écoles les plus
prestigieuses de l’époque. Il séjourna ainsi à Rome, Pergame et
Athènes. Il
composa de nombreuses œuvres. Malheureusement seuls quelques fragments
de
celles-ci nous sont connus. Il rédigea une étude consacrée aux océans,
une
autre aux épidémies. Il écrivit Sur
l’ardeur de la jeunesse. Il fut
aussi l’auteur d’une histoire de sa cité
cilicienne, Tarse. Il dédia un traité à Octave, d’influence
aristotélicienne,
consacré aux différentes espèces. Athénodore fut le précepteur du futur
empereur lorsque ce dernier séjourna à Apollonia, en Epire.
Mais
le texte le plus connu qui traite d’Athénodore de Tarse se trouve dans
les
lettres de Pline le Jeune. L’écrivain romain affirme que le philosophe
loua une
maison hantée lors d’un séjour à Athènes. Athénodore tenta de lutter
contre ce
qu’il prenait pour des superstitions, mais finit par voir de ses yeux
un
spectre chargé de chaînes. Il suivit celui-ci jusque dans le jardin de
la
demeure où il disparut. Le lendemain, le savant fit ouvrir le sol à
l’endroit
où le fantôme s’était évanouit. Les restes d’un corps enchainés furent
mis au
jour. L’individu, probablement assassiné, avait été privé de sépulture.
Pline
rapporte qu’Athénodore le fit enterrer publiquement. Ensuite, les
apparitions
spectrales cessèrent.
Il
est évidemment dommage de ne pas disposer du témoignage d’Athénodore lui-même.
En effet, avec le temps, cette histoire s’enrichit probablement de détails
pittoresques non présents dans le récit d’origine. Il est vraisemblable qu’il
s’agisse plus de la résolution d’un crime que d’une affaire de maison hantée. Toutefois,
le récit relaté par Pline connut une longue vie. Il inspira de nombreux auteurs
jusqu’à aujourd’hui. La plupart de ceux-ci ignorent cependant souvent l’origine
du mythe du fantôme chargé de chaînes. A partir de la Renaissance, de
pittoresques miniatures illustrant la rencontre d’Athénodore et du spectre,
furent parfois ajoutées à l’édition des Lettres
de Pline le Jeune.
Traduction du texte de
Pline le Jeune :
« Le
philosophe Athénodore vient à Athènes,
lit l'écriteau, demande le prix dont la modicité lui inspire des
soupçons. Il
s'informe. On l'instruit de tout, et, malgré ses renseignements, il
s'empresse
d'autant plus de louer la maison. Vers le soir, il se fait dresser un
lit dans
la salle d'entrée, demande ses tablettes, son poinçon, de la lumière.
Il
renvoie ses gens dans l'intérieur de la maison, se met à écrire, et
applique au
travail son esprit, ses yeux, sa main, de peur que son imagination
oisive ne
lui représente les spectres dont on lui a parlé, et ne lui crée de
vaines
terreurs. D'abord un profond silence, le silence des nuits ; bientôt un
froissement de fer, un bruit de chaînes. Lui, sans lever les yeux, sans
quitter
ses tablettes, invoque son courage pour rassurer ses oreilles. Le
fracas
augmente, s'approche, se fait entendre près de la porte, et enfin dans
la
chambre même. Le philosophe se retourne. Il voit, il reconnaît le
fantôme tel
qu'on l'a décrit. Le spectre était debout, et semblait l'appeler du
doigt.
Athénodore lui fait signe d'attendre un instant, et se remet à écrire.
Mais le
bruit des chaînes retentit de nouveau à ses oreilles. Il tourne encore
une fois
la tête, et voit que le spectre continue à l'appeler du doigt. Alors,
sans
tarder davantage, Athénodore se lève, prend la lumière, et le suit. Le
fantôme
marchait d'un pas lent : il semblait accablé sous le poids des chaînes.
Arrivé
dans la cour de la maison, il s'évanouît tout à coup aux yeux du
philosophe. Celui-ci
entasse des herbes et des feuilles pour reconnaître le lieu où il a
disparu. Le
lendemain, il va trouver les magistrats, et leur conseille d'ordonner
de
fouiller en cet endroit. On y trouva des ossements enlacés dans des
chaînes. Le
corps, consumé par le temps et par la terre, n'avait laissé aux fers
que ces
restes nus et dépouillés. On les rassembla, on les ensevelit
publiquement, et,
après ces derniers devoirs, le mort ne troubla plus le repos de la
maison ».
PLINE
LE JEUNE, Lettres, VII, 27.
Pistes bibliographiques
- COSME
(P.), Auguste, Paris, 2009 (Tempus,
n°271).
- LONG
(A.A.), SEDLEY (D.N.), Les philosophes hellénistiques, trad.
BRUNSCHWIG
(J.), PELLEGRIN (P.), t. II, Les Stoïciens, Paris, 2001.
- PLINE
LE JEUNE, Correspondance, t. III, Livres
VII-IX, trad. GUILLEMIN (A.-M.),
6ème éd. Revue et corrigée par ZEHNACKER (H.), Paris, 2003 (C.U.F.).