La musique
: un art omniprésent dans la vie de l'Antiquité
Par Carine Mahy
Alors
que la musique est toujours omniprésente dans nos sociétés modernes, de
la télévision aux salles de concert, en passant par la rue, le métro,
les lieux de culte ou les écoles, son histoire s’enracine très
profondément dans le développement des sociétés humaines.
L’expression musicale semble avoir vu le jour dès la préhistoire,
peut-être, dans un premier temps, avec les possibilités que le corps
humain offrait : la voix pour le chant, les mains, les pieds pour faire
du bruit ?
La
musique et la Préhistoire
Les premières
traces d’instruments de musiques, qui attestent avec certitude de la
pratique de cet art, ont été découvertes en Allemagne, dans le Jura
Souabe, et datent d’environ 35 000 ans. Il s’agit d’une flûte en os,
mise au jour en 2008.
Plusieurs
autres exemplaires de ce type d’instrument sont documentés pour le
paléolithique et permettent de considérer que la musique était déjà
bien maitrisée à cette haute époque, en raison de la régularité
apportée aux intervalles dans la fabrication de ces flûtes, pour
permettre une certaine régularité dans les sons émis. Pour leur
fabrication, le cubitus de vautour semble avoir été l’os le plus adapté
pour la fabrication de ces flûtes. Des instruments encore plus anciens
ont donc probablement existés, mais sans doute fabriqués dans des
matériaux plus périssables, éventuellement végétaux, qui n’ont pas
laissé de traces.
L’absence de sources écrites ne permet cependant pas de définir l’usage
qui était fait de la musique au paléolithique. Dans quelles
circonstances était-elle jouée ? Pour le loisir ? Pour des cérémonies
rituelles, religieuses, chamaniques ou funéraires ?
Les sources documentaires de la musique antique
Dans
l’Antiquité, la musique occupait une place majeure dans la vie des
peuples. Et son usage est bien documenté, notamment d’un point de vue
iconographique, qu’il s’agisse de la Mésopotamie, de l’Egypte, du monde
grec ou romain.
Par ailleurs,
des instruments élaborés dès le IIIe millénaire av. n. ère, tels que la
harpe par exemple, ont occasionnellement été mis au jour par les
archéologues. Parmi les plus beaux exemplaires de ces harpes
mésopotamiennes du IIIe mill. av. n. ère, il faut mentionner celles
mises au jour dans la nécropole royale d’Ur, en Irak. Le sol égyptien a
aussi livré un certain nombre d’instruments de musiques en bois, bronze
ou peaux. Ces matériaux, habituellement périssables, ont bénéficié du
climat et de la nature du sol favorables dans le pays du Nil. Les
instruments attestés sont notamment des sistres, flûtes, harpes, lyres,
hautbois (aulos), claquoirs ou
encore luth. Pompéi et Herculanum, en raison des circonstances
soudaines qui ont mené à leur destruction, nous ont également permis de
découvrir quelques instruments en bon état de conservation, comme par
exemple des cymbales. L’étude approfondie de ces instruments permet peu
à peu de faire connaissance avec leurs sonorités et s’approcher ainsi
un peu plus de la musique antique.
Les mélodies de
l’Antiquité, par contre, restent très méconnues. En effet, des
partitions telles que les musiciens sont habitués à faire usage de nos
jours, n’existent pas dans les civilisations antiques. A l’exception de
quelques tablettes cunéiformes et traités d’harmoniques de l’Antiquité
classique, aucun document de notation musicale ne nous est parvenu.
Néanmoins, la
littérature et l’iconographie (bas-reliefs, mosaïques, sculptures,
etc.) nous fournissent de nombreuses informations sur le type
d’instruments que l’on pouvait rencontrer et les circonstances dans
lesquelles ils pouvaient être utilisés. Par exemple, les trompettes
courtes égyptiennes (ex: trompette en argent de la tombe de Touthankhamon) ou les trompettes droites (tuba) et courbes (cornu)
des Romains avaient une fonction militaire. Ces deux trompettes
romaines pouvaient aussi se rencontrer lors des jeux de l’amphithéâtre.
Quant aux flûtes, hautbois, cithares, lyres, ils apparaissaient
notamment en contexte religieux.
La musique et les dieux
Comme
l’écriture, la musique est une manifestation du savoir humain. Son
importance dans la vie des communautés et des individus, a mené l’Homme
à la penser en rapport avec le divin. Seule une divinité pouvait être à
l’origine de sa création, un être supérieur en était le garant. Ainsi,
chaque civilisation a associé la musique à au moins une divinité.
A Sumer, c’était le dieu de la sagesse, Enki (Ea chez les Akkadiens),
qui s’était vu attribué l’invention de la musique. En Egypte, la
musique était étroitement liée à Hathor, dont l’instrument de
prédilection était le sistre. Cybèle, la Grande déesse phrygienne, est
représentée tenant un tambourin. Cet attribut est aussi associé à
Astarté au Proche-Orient.
Dans le monde gréco-romain, plusieurs divinités sont associées au
domaine musical. Dionysos, Apollon et Hermès sont étroitement liés à la
musique. La musique est une composante indispensable du culte bachique.
Apollon est souvent représenté avec une cithare ou une lyre. Hermès
serait l’inventeur de la lyre, qu’il aurait fabriqué en utilisant la
carapace d’une tortue, ainsi que les cornes et les boyaux d’un taureau.
Les muses, déesses des arts, sont logiquement associées aussi à la
musique. Pan, le dieu mi humain, mi bouc, serait l’inventeur de la
flûte du même nom, créée en l’honneur de la nymphe Syrinx, et dont les
tuyaux de tailles décroissantes, étaient fabriqués à l’aide de roseaux.
Les dieux et déesses étaient donc à l’origine de la musique et des
instruments. La pratique de cet art était dès lors incontournable dans
les sanctuaires, lors des fêtes religieuses, des sacrifices et autres
rituels qui se tenaient dans les temples. Des musiciens et chanteurs
faisaient partie du personnel qui servait quotidiennement les divinités.
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