Jardins antiques : Les paradis perses
Par Carine Mahy
L’art
des jardins, le soin apporté à l’aménagement de ces lieux d’agréments,
loin d’être seulement un centre d’intérêt de la Renaissance et de
notre époque, plaisait déjà aux rois de l’Antiquité, les Perses
Achéménides, mais aussi, avant eux, les Assyriens. Des bas-reliefs
illustrant ces moments de détente du souverain sont parvenus jusqu’à
nous. Les Perses ont encouragé cette pratique dans toutes les capitales
de leurs satrapies. Ces lieux d’agrément étaient nommés Paradis.
Les paradis persex : description
Les Paradaida
étaient des lieux de détente destinés au Grand Roi et à son entourage,
dont faisaient partie les satrapes (gouverneurs de province). Il
s’agissait de jardins ou de parcs dans lesquels des animaux étaient
élevés, notamment pour la chasse, et de nombreuses variétés d’arbres et
de plantes étaient cultivées. Les animaux introduits dans ces paradis
pouvaient représenter des espèces éventuellement exotiques, dont les
rois étaient friands. On pouvait, par exemple, y rencontrer des
dromadaires, des éléphants, des singes, des mulets, etc. Ceux-ci
étaient souvent offerts au souverain en tribut, par les peuples soumis
à l’autorité assyrienne, puis perse.
Des essences végétales provenant de toutes les régions soumises à
l’Empire y étaient regroupées. Des efforts soutenus étaient parfois
nécessaires pour permettre l’acclimatation de certaines espèces dans un
climat très différent de celui de leur région d’origine. Ces tentatives
ont permis le développement d’une véritable science horticole chez les
Perses. Planter un arbre était une occupation noble chez les
Perses et le roi lui-même pouvait s’adonner à cette activité.
Les paradis représentaient donc un condensé miniature de la variété naturelle de l’empire et participait au prestige du roi.
Les éléments naturels étaient sacralisés dans la religion perse et des
sacrifices pouvaient donc être réalisés en l’honneur d’un arbre ou
d’une rivière. Le roi pouvait participer personnellement à ces rituels,
accompagné de mages.
Pasargades, qui fut la première capitale de l’empire perse sous Cyrus
le Grand, fondée en 546 av. n. ère, possédait déjà un paradis. Ensuite,
chaque capitale impériale s’est vue dotée de ce poumon vert. Chaque
satrape se voyait chargé d’en aménager un, sur le modèle de celui de
Pasargades, dans le domaine qu’il gérait. Ainsi, Persépolis, le
complexe palatial fondé par Darius Ier et complété par Xerxès, Memphis
en Egypte, Sidon en Transeuphratène ou encore Sardes en Lydie,
possédaient un paradis. Cependant, ces jardins n’ont guère laissé de
traces dans le paysage archéologique, bien que des bâtiments palatiaux
et des bassins s’articulaient avec ces espaces verts.
L’auteur Arrien (40, 3-4) nous propose une description de la luxuriance
du paradis de Pasargades : « Le pays [les environs de Pasargades] est
couvert d’herbages, de fraîches prairies, de nombreuses vignes et de
toutes espèces d’arbres fruitiers, sauf l’olivier. Des paradis de
toutes sortes y fleurissent, des fleuves limpides et des eaux dormantes
l’arrosent ; elle nourrit toutes les espèces d’oiseaux qui vivent
autour des fleuves ou au bord de l’eau, les chevaux, les bêtes de
somme, on y trouve beaucoup de forêts et de gibier ».
L'eau des paradis
Comme le signale
Arrien, l’eau était abondante dans ces paradis. Cependant, certains
d’entre eux étaient aménagés dans des régions désertiques. Des sources
naturelles ou des lacs ou des rivières n’étaient donc pas toujours
disponibles naturellement pour décorer et irriguer le paradis. Les
Perses avaient alors recours aux qanats et citernes.
Les qanats étaient des réseaux souterrains de canalisations permettant
d’amener l’eau d’une nappe phréatique vers la zone à irriguer ou vers
un bassin ou une citerne. Ils se présentaient, au niveau du sol, sous
la forme d’un chapelet de puits permettant d’entrer dans la
canalisation pour l’entretenir. Des qanats de ce type sont bien connus
en Iran et dans le désert occidental égyptien, dans lequel ils ont été
utilisés à l’époque perse pour augmenter la surface cultivable des
oasis. D’autres ont été repérés plus récemment en Arabie Saoudite, à
Dumat al-Jandal. Les citernes pouvaient également collecter l’eau des
pluies occasionnelles.
Les antécédents : les jardins royaux assyriens
Alors que les
jardins suspendus de Babylone ne semblent pas avoir existé, d’autres
villes mésopotamiennes ont bénéficié d’un aménagement de ce type. Ce
fut le cas de Ninive, où le roi Sennacherib créa un jardin royal, en
lien avec un nouveau palais, selon le texte cunéiforme inscrit sur un
prisme en terre cuite (694 av. n. ère). Ce jardin était construit sur
des terrasses reposant sur des arcades. Il pourrait s’agir de « jardins
suspendus ».
Par ailleurs, le jardin, la forêt créée en tant que réserve de chasse
était aussi importante chez les Assyriens que chez les Perses. Les
animaux étaient élevés en vue de l’organisation de ces activités
royales. La chasse d’animaux sauvages était considérée comme un bon
exercice dans la formation des futurs rois, permettant de mettre en
valeur le courage et la puissance du roi ou du futur souverain. Elles
étaient également un entrainement à la guerre. La chasse au lion est un
thème récurrent de l’iconographie orientale antique. Le roi est
généralement représenté debout sur son char, lors de ces chasses.
Les jardins iraniens
La tradition des
jardins est restée un trait distinctif de la culture iranienne à
travers le temps. Les voyageurs du XVIIe s. ventaient l’abondance et la
variété d’arbres, de vergers, de fruits, de fleurs, les spacieux
jardins avec pavillons qu’ils avaient pu voir lors de leur périple en
Iran. Les jardins de Shazdeh, de Ferdows à Téhéran ou de Baq-e Eram à
Shiraz, en sont encore des exemples.
Pistes
bibliographiques
P.
BRIANT, « Chasses royales macédoniennes et chasses royales perses : le
thème de la chasse au lion sur la chasse de Vergina », dans Dialogues d’Histoire ancienne, t. 17/1, 1991, p. 21-255.
P. BRIANT, Histoire de l’Empire Perse, de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996.
G. CHARLOUX, L. ROMOLO, « Oasis rediscovered, Dûmat al-Jandal », dans Saudi Voyager, 2013, p. 16-18.
S. DALLEY, « De tuinen van Sennacherib », dans L. PETIT, D. MORANDI BONACOSSI s. dir., Niniveh, hoofdstad van een wereldrijk, Leiden, 2017, p. 103-106.
N. GUILHOU, « Paradis persans », dans Egypte, Afrique & Orient, n°79, Découvrir un pays, son patrimoine, sa culture, son âme, septembre-novembre 2015, p. 27-34.