Le savon dans l'Antiquité : produit de beauté, produit d'hygiène ou médicament ?


Par Carine Mahy

Produit incontournable de l’hygiène quotidienne moderne, le savon faisait déjà partie des produits inventés dans l’Antiquité. Mais quelles étaient alors sa composition et son origine ? Et ses usages étaient-ils similaires à ceux d'aujourd'hui ? 


Une invention celte ?

Si on en croit Pline l’Ancien, ce produit serait une invention gauloise préparée à base de cendre de bois et de suif de chèvre (Histoire Naturelle, XXVIII, 191). Ils l’auraient utilisé pour traiter des maladies de la peau autant que pour nettoyer leurs vêtements et teindre leurs cheveux (en roux / rouge à condition d’y ajouter un composant colorant).

Les femmes romaines auraient également eu recours à cette teinture au début de l’époque impériale.

L’usage médical est à nouveau mentionné en latin par Serenus Sammonicus au IIIe s. de n. ère. Chez cet auteur, il est destiné à guérir les cicatrices au visage et les bleus. Au début du Ve s. de n. ère, le Gaulois Marcellus Empiricus, qui était un haut-fonctionnaire attaché à la cour de Théodose Ier, a rédigé un traité à destination de ses fils dans lequel il traite de médicaments (De medicamentis liber). Il y mentionne le savon notamment pour traiter les cheveux : les empêcher de blanchir, les empêcher de tomber, les faire friser.

Dans tous les exemples romains, le savon gaulois n’est jamais utilisé pour l’hygiène corporelle ou pour la lessive, mais seulement en tant que cosmétique à usage médicinal.

Chez les auteurs de langue grecque, le médecin Galien de Pergame, au IIe-IIIe s. de n. ère, estime que le savon est un des produits qui nettoie le mieux.

Le médecin Arétée de Cappadoce, qui aussi vécu au IIe s. de n. ère, le mentionne également. Il remarque son utilité pour laver le corps dans un bain : « les boulettes "nitreuses" des Celtes, qu’on appelle aujourd’hui Gaulois, avec lesquelles ils lavent le linge, et nommées savon, lavent bien le corps dans un bain ».



Un peu d'éthymologie

Le terme celte sapo, qui désigne le savon, est probablement un emprunt à la langue des Germains (dans laquelle le terme était saipion). Les Romains l’auraient ensuite adopté au contact des Celtes. Le terme grec sapon serait dérivé de la forme celte également, dont ils auraient acquis la connaissance par les Galates de l’Asie Mineure. En effet, ceux-ci parlaient encore couramment la langue celtique au tournant de notre ère, comme leurs homologues occidentaux.



Le savon à Sumer et en Egypte

Bien avant l’invention du savon en Europe du Nord, des produits destinés à se nettoyer la peau ou la laine avaient déjà été inventés en Mésopotamie et en Égypte. Il s’agissait de mélanges d’huile ou de graisse et de cendres végétales bouillis.

La plus ancienne recette de savon sumérienne date donc du IIIe millénaire avant notre ère.

Le papyrus médical Ebers (Nouvel Empire égyptien) propose aussi une préparation employée dans un cadre thérapeutique.



Conclusion

Transmis par les Celtes aux civilisations classiques, et connu des gaulois par leurs contacts avec les germains, le savon était cependant d’origine bien antérieure comme en témoignent des sources mésopotamiennes et égyptiennes, qui utilisaient des composants similaires.




Pistes bibliographiques

ANDRE J., « Gaulois sapana, latin sapo ; grec ΣΑΠΩΝ ». dans Études Celtiques, vol. 7/2, 1956, p. 348-355.
GRANDIN T., « La savonnerie traditionnelle à Alep », dans Bulletin d’études orientales, t. 36, 1986, p. 143-160.
POISSON J., « Aperçu sur la pharmacopée gauloise », dans Revue d’histoire de la pharmacie, n°343, 2004, p. 383-390.



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