Le dieu Nil, personnification du grand
fleuve égyptien dans le monde
romain
Les Romains représentaient certains fleuves importants sous des
traits humains. On appelle cela des personnifications. Ils
personnifiaient aussi d’autres concepts naturels comme les quatre
saisons et les vents (comme par exemple Borée, le vent du nord).
Parmi les fleuves que les Romains ont personnifiés, on peut mentionner
le Tibre, qui est le fleuve coulant à Rome, l’Euphrate, important
fleuve de Mésopotamie, ou encore Achélôos, un des plus longs fleuves de
Grèce. Mais il y a aussi le Nil, célèbre fleuve égyptien.
Le Nil était considéré comme sacré par les Égyptiens dès la période
pharaonique. Pendant cette période, il était associé au dieu Hâpy. Ce
dernier était le dieu de l’inondation. Il personnifiait la force vitale
du fleuve, à travers le limon noir que la crue déposait sur les terres
agricoles.
En effet, c’était grâce à l’inondation annuelle des terres fertiles par
les eaux du Nil, que l’agriculture égyptienne prospérait et que les
productions agricoles permettaient de faire vivre les habitants. Le
reste du pays était composé de terres arides et désertiques. Elles ne
permettaient pas de faire pousser la plupart des végétaux. Tu comprends
donc pourquoi le Nil était aussi important au yeux des Égyptiens et
qu’ils lui vouaient un culte !
Lorsque l’Égypte a été conquise par les Romains, les eaux du Nil ont
continué à être sacralisées. Le Nil ne recevait pas un culte en
tant que tel, mais son eau, considérée comme sacrée, était utilisée
dans le culte de la déesse Isis. Cette eau était donc envoyée aux
quatre coins de l’Empire, dans les sanctuaires de la déesse d’origine
égyptienne.
Le dieu Nil était aussi représenté dans l’art romain en dehors de
l’Égypte. La quantité de représentations connues est variable selon les
provinces de l’Empire. Par exemple, il est très rare en Espagne,
absolument pas attesté en Gaule ou en Grande-Bretagne, mais il était
très présent à Rome et dans les cités portuaires qui communiquaient
avec l’Égypte, comme par exemple Ostie (le port de Rome), Naples (en
Italie), ou encore Lepcis Magna (dans l’actuelle Libye, en Afrique du
Nord).
Le dieu Nil partageait son apparence générale avec les autres dieux
fleuves de la tradition romaine. Il était représenté barbu et à
demi-allongé. Il tenait une corne d’abondance. Cette corne était un
objet fréquemment associé à certaines divinités de la tradition
gréco-romaine, comme par exemple Fortune (déesse romaine de la chance
et du hasard) ou Déméter (déesse grecque de l’agriculture).
Mais il était possible d’identifier le dieu Nil, même si son nom ne
figurait pas sur une inscription associée à la représentation. En
effet, il possédait certains attributs qui lui étaient propres et
évitait de le confondre avec les autres dieux-fleuves. Il était
généralement accompagné d’images spécifiques à l’Égypte. Une des plus
courantes était le sphinx. Mais il pouvait aussi s’agir du crocodile ou
de l’hippopotame, deux animaux caractéristiques de la faune nilotique.
En plus, le dieu Nil était accompagné de bambins, qui n’apparaissent
jamais en compagnie des autres dieux-fleuves. Selon l’auteur romain
Pline l’Ancien, ces enfants étaient l’illustration de la mesure de la
hauteur de la crue du Nil. On les appelle des enfants-coudées. La
coudée était une unité de mesure antique.
Chaque enfant représente donc une coudée. Ensembles, ils témoignent de
la fertilité du fleuve. Pour que l’inondation soit jugée suffisante,
elle devait atteindre au moins 12 coudées dans le nord de l’Égypte et
un petit peu plus dans le sud pendant le Haut-Empire romain.
Le meilleur exemplaire conservé d’une sculpture du dieu Nil est
aujourd’hui visible à Rome, aux musées du Vatican. Il a été réalisé en
marbre blanc et date du règne de l’empereur romain Hadrien, au 2ème
siècle de notre ère. Une autre sculpture est visible à Naples et a
donné son nom à la Piazzetta del Nilo.
Des peintures et des mosaïques illustrant le dieu Nil existaient
également pendant l’Antiquité romaine impériale. Au début du 3ème
siècle de notre ère, Philostrate mentionne une peinture qui se trouvait
dans la stoa (sorte de portique) de Naples. L’œuvre n’est pas
conservée, mais la description qu’en fait l’auteur dans son œuvre
intitulée « Galerie de tableaux » permet de l’imaginer.
Dans le domaine de la mosaïque, les archéologues ont, par exemple,
trouvé un pavement représentant le dieu Nil dans une habitation de
Lepcis Magna (ouest de la Libye). Elle a d’ailleurs été baptisée villa
du Nil. Le dieux-fleuve y est représenté à demi-couché sur un
hippopotame et les enfants-coudées le guident vers un petit bâtiment,
interprété comme un nilomètre. C’est dans ces lieux que la crue du Nil
était mesurée en Égypte pendant toute l’Antiquité.
Mosaïque de la villa du Nil, Lepcis Magna (Tripolitaine, Libye, Afrique du Nord)
Généralement, les représentations du dieu Nil de l’époque romaine ne semblent pas provenir de temples.